Coronavirus et Force Majeure : quelles conséquences pour vos contrats ?

Date

15 mars 2020

Par

Henri de la Motte Rouge

Coronavirus et Force Majeure : quelles conséquences pour vos contrats ?

Date

15 mars 2020

Par

Henri de la Motte Rouge

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Entrepreneurs, vous n’êtes pas épargnés par la crise sanitaire qui frappe de plein fouet la France et le monde ces dernières semaines. Suite aux restrictions imposées par le gouvernement, vous avez très probablement annulé un événement, votre prochain séminaire et certains de vos contrats et de vos prestations sont en périls. Dans le cas d’un marché public, la situation a été confirmée par le Premier ministre : le Coronavirus doit être considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises. Mais qu’en est-il des contrats privés ? On fait le point sur les conséquences du Covid-19 sur vos contrats.

Le coronavirus, un cas de force majeure ?

Que dit la loi ?

L’article 1218 du code civil définit la force majeure de la manière suivante:

Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Trois critères cumulatifs sont donc nécessaires pour qu’un événement soit qualifié de force majeure.

1. Il doit être imprévisible

Aviez-vous la possibilité d’anticiper l’apparition du Coronavirus lorsque vous avez conclu votre contrat pour la réalisation de vos séminaires ? Il est fort probable que non, cette situation étant suffisamment anormale, soudaine et rare pour être considérée comme imprévisible. Néanmoins, il sera nécessaire de vérifier la date à laquelle votre contrat a été signé et la situation à ce moment-là. Plus le contrat est récent, plus vous aurez sans doute des difficultés à convaincre de cette imprévisibilité.

Notre conseil : à partir de maintenant, soyez vigilants sur les engagements que vous prenez, du moins sur le court terme. En cas d’impossibilité de les respecter du fait des conséquences du Coronavirus, vous aurez bien du mal à en démontrer le caractère imprévisible. 

2. Vous ne devez pas en être responsable

Concrètement, vous ne devez pas être à l’origine de l’événement que vous souhaitez voir qualifier de force majeure. Ici, ce critère n’appelle aucune discussion. Vous n’êtes évidemment pas responsable de l’apparition du virus et de ses conséquences.

3. Vous ne pouvez rien y faire 

Pouviez-vous contrer le virus ? Évidemment que non ! Pouviez-vous éviter les conséquences néfastes du Covid-19 ? Probablement pas ! Comment auriez-vous pu empêcher les interdictions de rassemblement et les mesures de distance sociale mises en place par le gouvernement qui engendrent l’annulation de votre concert.

Néanmoins, dans certaines situations, la question mérite sans doute d’être posée. Êtes-vous par exemple en mesure de dispenser votre formation en ligne plutôt qu’en présentiel ? Si oui, vous disposez d’un moyen pour limiter les conséquences pour votre client.

Concrètement, il s’agit de rechercher si des mesures appropriées auraient pu permettre, malgré les circonstances, d’éviter un préjudice à votre cocontractant.

Que dit la jurisprudence ?

Voici quelques décisions intéressantes des juridictions françaises permettant de mieux appréhender la notion de force majeure dans le cadre d’une épidémie.

  • Une épidémie comme Ebola peut être considérée comme un cas de force majeure.
  • Toutes les épidémies ne sont pas nécessairement des cas de force majeure.
  • Une épidémie sans gravité suffisante, et contre laquelle on dispose des traitements efficaces, n’est pas un cas de force majeure.
  • Une épidémie récurrente est prévisible, il ne s’agit donc pas d’un cas de force majeure.

Au regard des trois critères énoncés et de la jurisprudence actuelle, le Coronavirus devrait être considéré comme un cas de force majeure. Par ailleurs, même si sa mise en oeuvre ne requiert pas une décision d’un organisme, les déclarations de l’OMS sont venues renforcer l’idée d’une situation de force majeure. L’Organisation Mondiale de la Santé a, en effet, récemment définit le coronavirus comme un événement « soudain et inhabituel ayant des répercussions au-delà des frontières nationales, et exigeant une action internationale immédiate ».

Quels effets sur vos obligations contractuelles ?

L’alinéa 2 de l’article 1218 dispose : Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.

Vous êtes donc libéré de vos obligations ?

La force majeure vous libère de vos obligations contractuelles. Vous pouvez donc annuler le concert, l’exposition, le séminaire, l’événement ou la formation que vous deviez organiser sans que votre responsabilité ne puisse être engagée. Vous ne serez par ailleurs redevable d’aucun dommage et intérêt pour l’inexécution de votre contrat.

En revanche, cela ne veut pas dire que vous pourrez conserver les sommes encaissées comme nous allons le voir ci-après.

L’empêchement partiel d’exécution de vos obligations

Seules les obligations de votre contrat touchées par la force majeure sont concernées. Prenons un exemple pour illustrer notre propos : vous devez organiser des conférences dans plusieurs pays, dont certains ne sont pas touchés par le Covid-19 ou n’ont pas mis en place de restrictions en matière de rassemblement. Vous ne pourrez pas invoquer la force majeure pour ces conférences. En effet, rien ne vous empêche de maintenir ces événements dans les pays concernés. Seules celles prévues dans les pays touchés pourront bénéficier de l’inexécution pour cause de force majeure.

Le report de votre prestation

Peut-être pouvez-vous décaler votre séminaire ou votre prestation à une date ultérieure ? Dans certains cas, cette suspension du contrat est envisageable. Il pourra reprendre une fois les interdictions de rassemblement levées. Cependant, dans d’autres circonstances, impossible de reporter votre prestation, et ce, pour de multiples raisons : le planning de la salle de spectacle est plein, votre guest star a d’autres engagements pour le reste de l’année ou le sujet de votre mission n’aura plus d’intérêt dans trois mois.

Pensez à votre assurance !

Avez-vous bien fait assurer votre événement ? Malgré l’utilisation de la force majeure, son annulation peut vous coûter très cher. Au même titre que les intempéries ou la destruction des locaux, la force majeure fait parfois partie des risques couverts par les contrats d’assurance. Il est donc primordial de bien négocier en amont votre contrat et d’être bien attentif aux exclusions et aux couvertures.

La résolution du contrat

Si aucune solution de report n’est envisageable (« empêchement définitif »), il ne vous reste qu’une seule solution : remettre en état les parties au jour de la formation du contrat et procéder aux restitutions (pour les contrats à exécutions successives, cela ne concerne que les prestations n’ayant pas reçu de contrepartie).

Notons que cette notion d’« empêchement définitif » risque de faire débat et pourrait être source de contentieux entre les parties. En tant que prestataire vous avez généralement intérêt à maintenir vos contrats, ce qui ne sera pas forcément le cas de vos clients qui devront faire face à une organisation et réorganisation stratégique à l’issue de la crise sanitaire.

Comment soulever la Force Majeure ?

En l’absence de clauses de force majeure dans votre contrat, vous pourrez bien évidemment invoquer l’article 1218 du Code Civil. Néanmoins, une clause bien rédigée précisera clairement les cas de force majeure, y compris les épidémies ainsi que la durée pendant laquelle le contrat pourra être suspendu, ce qui vous évitera ainsi toute discussion sur ce point.

Notez qu’en l’absence de mention expresse dans votre contrat, les épidémies ne seront pas nécessairement exclue. Le plus souvent, les événements contenus dans les clauses de force majeure ne sont donnés qu’à titre indicatif. Considérant l’exceptionnelle gravité de la situation actuelle, une clause, même rédigée de manière non-spécifique, couvrira sans doute le cas du Covid-19.

En conclusion, si vous êtes confronté à un tel cas de force majeure, référez vous à ce que prévoit votre contrat et informez votre partenaire commercial dans les plus brefs délais, afin de limiter ses dommages. En cas de doutes ou de difficulté d’interprétation ou si les conséquences présentent un risque spécifique pour votre entreprise, n’hésitez pas à vous faire conseiller sur la mise en oeuvre opérationnelle de la force majeure dans le cadre de votre contrat et de vos enjeux. Et pour limiter les risques, pensez à intégrer à vos conditions de vente, une clause de force majeure claire et précise.

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