Votre logiciel est-il protégeable ?

Date

19 mai 2021

Par

Henri de la Motte Rouge

Votre logiciel est-il protégeable ?

Date

19 mai 2021

Par

Henri de la Motte Rouge

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Vous, ou votre société, avez développé un logiciel et vous vous demandez si celui-ci peut être protégé par un titre de propriété intellectuelle ?

Il est naturel de se poser la question, d’autant que logiciel est un actif à haute valeur ajoutée permettant à une entreprise d’obtenir un avantage compétitif certain. Mais de quelle protection peut-il bénéficier ? La solution n’est pas évidente. D’une part, le logiciel revêt un aspect technique, mais d’autre part, il constitue « une œuvre du langage ».

Le principe de la non-brevetabilité du logiciel

De prime abord, la réponse semble évidente. L’article 52 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 (CBE) dispose en effet que « ne sont pas considérés comme des inventions […] les programmes d’ordinateurs ». Il semble donc acquis aux yeux de tous que le logiciel n’est pas une invention et ne peut donc pas profiter de la protection accordée par brevets. Pourtant le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), qui reprend la formule de la Convention de Munich, vient brouiller les pistes en précisant que ces dispositions « n’excluent la brevetabilité des éléments énumérés […] que dans la mesure où la demande de brevet ou le brevet ne concerne que l’un de ces éléments considéré en tant que tel » (art L611-10).

Ainsi, si un programme d’ordinateur ne peut bénéficier d’un brevet, une invention industrielle, qui intègre dans ses composantes le fonctionnement d’un ou plusieurs logiciels, reste brevetable. En effet, exclure de la brevetabilité les procédés dont la mise en œuvre suppose l’intervention d’un logiciel reviendrait à priver bon nombre d’inventions d’une protection efficace. Cela a notamment été repris dans l’arrêt Schlumberger (CA Paris 15 juin 1981), concernant un « procédé de traitement de données de diagraphie ».

La protection du logiciel par le droit d’auteur

Si votre logiciel ne peut pas bénéficier de la protection par un brevet, qu’en est-il de la protection du logiciel par le droit d’auteur ?

Que dit le CPI ?

Le droit d’auteur protège toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination (art L112-1 du CPI). Le logiciel doit-il alors être considéré comme une œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur ? Le CPI répond par l’affirmative (art L112-2). Il propose en effet une liste à la Prévert des créations considérées comme des œuvres de l’esprit, dans laquelle on y retrouve notamment « les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ». Un point de vigilance demeure : l’originalité reste la condition nécessaire et suffisante pour bénéficier d’une protection par le droit d’auteur.

Mais c’est quoi l’originalité en matière de logiciel ?

La directive 91/250/CEE, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, dispose qu’« un programme d’ordinateur est protégé s’il est original, en ce sens qu’il est la création intellectuelle propre à son auteur » (art 1§3). Il est vrai que cela ne nous avance pas beaucoup. La jurisprudence française a préféré une définition plus large et moins subjective de l’originalité du logiciel, notamment dans un arrêt Babolat c/ Pachot (AP 7 mars 1986, 83-10.477). L’auteur doit ainsi « avoir fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une simple logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée […] portant la marque de son apport intellectuel ».

Ainsi, par exemple, la jurisprudence a considéré qu’une architecture logicielle imposée par des obligations légales ou une réglementation stricte, comme les archives publiques, ne peut pas être considérée comme originale, le savoir-faire intellectuel ne constituant pas un apport créatif (Cour d’appel de Douai, 4 avril 2019, 18/057511). Pour résumer, seuls un apport intellectuel propre et un effort personnalisé de l’auteur du logiciel lui confèrent un caractère original. Cette position a été réaffirmée à plusieurs reprises par la suite.

Bon à savoir: le logiciel est composé de différents éléments indépendants les uns des autres, pouvant bénéficier d’une protection différente, toujours à la condition qu’ils soient originaux.

Quels sont les éléments du logiciel protégés par le droit d’auteur ?

Le droit d’auteur « classique » protège :

Le droit d’auteur spécifique accorde quant à lui une protection :

Bon à savoir : le droit d’auteur ne protège pas les idées ! Seule leur matérialisation peut faire l’objet d’une protection.

Enfin, les éléments suivants ne font jamais l’objet d’une protection par le droit d’auteur :

La protection par le droit d’auteur ne nécessite la mise en œuvre d’aucune formalité. Il est néanmoins fortement conseillé, à titre probatoire, de déposer son logiciel (auprès de l’APP – Agence pour la Protection des Programmes – par exemple). Le titulaire des droits dispose donc naturellement de droits moraux et de droits patrimoniaux, ces derniers permettant de céder ou concéder son logiciel.

Pour protéger efficacement vos logiciels et éviter des litiges, il est recommandé d’être accompagné par un avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle. Il pourra notamment vous informer et vous conseiller sur la titularité des droits des logiciels créés au sein de votre entreprise.

Le Cabinet d’avocats Touati La Motte Rouge est à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et met à disposition de vos intérêts son expertise et sa pratique en matière de logiciels.

Article co-écrit par Henri de la Motte Rouge et Alice Valat

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