Date
14 février 2018
Par
Jean-Philippe Touati
De la protection juridique des noms des événements sportifs en général et des régates en particulier
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L’exploitation commerciale autour d’une manifestation sportive amène à se poser la question de la protection des droits liés à un tel événement. Lorsque la combinaison de différents éléments d’une manifestation sportive (récurrence, parcours, mise en scène) répond au critère d’originalité, l’événement sportif peut bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, en tant que spectacle vivant.
Il n’en va pas nécessairement de même pour le nom dudit événement, qui doit, in se, également être original pour être protégé en tant que titre. La jurisprudence en matière de course nautique et de régate est particulièrement intéressante.
Ainsi, concernant la Route du Rhum par un arrêt de la Cour de cassation du 8 octobre 2013, il a été jugé que le titre « La route du Rhum » emprunté à une « référence historique et usuelle de l’itinéraire des navires de commerce acheminant du rhum des Antilles à Saint Malo » n’est pas emprunt de la créativité de son auteur et ne peut donc prétendre à un caractère orignal ; et donc à une protection par le droit d’auteur.
En revanche, le nom d’un événement sportif peut être protégé par le biais du droit des marques. Le critère de protection n’est plus ici seulement l’originalité du nom de l’événement mais la distinctivité de la marque, qui s’exprime notamment dans l’absence d’un caractère descriptif. Le caractère descriptif s’apprécie en fonction des produits et services visés par l’enregistrement de la marque.
Ainsi, un nom de manifestation nautique tel que « Les voiles de Saint Tropez » souffrira d’un caractère descriptif. En effet, il est d’appréciation constante que le terme «Les voiles de… » appliqué à une course nautique est dépourvu de caractère distinctif.
Pourtant si cette même expression se rattache à une marque déposée pour des produits services autres que liées au nautisme, tels que l’habillement ou la librairie, alors celle-ci revêt un caractère arbitraire et donc distinctif.
Dans ce sens, la marque d’habillement et d’articles de librairie « Les Voiles de Saint Tropez », tirée du nom de la célèbre course nautique, a été reconnue par la Cour de cassation comme distinctive et protégée par le droit des marques contre une autre marque considérée comme similaire : « Les Voiles de Cassis ». [Cour de cassation, (ch. com.), 12 mai 2015, Commune de Saint-Tropez c/ Sté GTC Cassis].
En l’occurrence, la question était de savoir si le nom des communes constituait l’élément principal de la marque, ou si l’expression « les voiles de » – considérée comme distinctive comme expliqué précédemment – prenait une part telle que, associée à quelconque nom de commune du Sud de la France, une confusion était possible.
Face à cette question, les juges ont considéré que pour comparer ces deux marques l’appréciation des termes doit s’effectuer de manière globale fondée sur l’impression d’ensemble produite par les signes en présence. La confusion s’effectue ici sur le plan conceptuel grâce à la structure de la marque (« les voiles de »), mais également grâce à d’autres facteurs pertinents comme le fait que les classes enregistrées pour chacune sont identiques et renforcent la possible confusion.
La question est donc extrêmement casuistique et facteur de conflits. Il faut ainsi envisager la protection de son événement sportif non seulement sous l’angle du droit du sport, du droit d’auteur mais également de la propriété industrielle.
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