Réseaux sociaux et Fisc : prenez garde à vos publications !

Date

19 décembre 2022

Par

Henri de la Motte Rouge

Réseaux sociaux et Fisc : prenez garde à vos publications !

Date

19 décembre 2022

Par

Henri de la Motte Rouge

Partager

Partager

Données revendues à des fins commerciales, ciblage publicitaire ou encore photos de vacances librement accessibles sur le web, la surveillance de votre quotidien par les sociétés privées n’a jamais été aussi simples. Depuis le 1er janvier 2020, le fisc s’intéresse lui aussi de près à votre vie virtuelle. Prenez garde à vos publications ! Les photos de vos dernières vacances dans un paradis tropical ou les ventes, un peu trop régulières, de Légo sur le Boncoin, pourraient vous coûter cher. Explications sur les liens entre réseaux sociaux et le Fisc.

Réseaux sociaux et Fisc : que dit la loi ?

Le 13 novembre 2019, la loi de finances 2020 a été votée et avec elle l’autorisation pour le fisc de collecter et d’exploiter au moyen de traitements automatisés les contenus librement accessibles sur les plates-formes d’échanges (Leboncoin, eBay notamment) et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, par exemple).

Vous vous demandez quels sont les objectifs de ce dispositif ?

Traquer la fraude fiscale en observant les comportements et les publications des contribuables directement sur la toile. Ainsi, l’administration améliore efficacement le ciblage des contrôles fiscaux et réduit le coût des investigations humaines.C’est également un moyen de résoudre la question des obligations de déclaration à charge des opérateurs. Enfin, par ce dispositif, l’État entend lutter contre les activités économiques occultes, la vente de produits contrefaits, la contrebande (de tabac par exemples) ou encore les fausses domiciliations à l’étranger.

Mais le saviez-vous ? La surveillance de vos réseaux sociaux existe déjà !

En réalité, le fisc effectue déjà depuis plusieurs années, des vérifications de vos données publiées sur Internet. Celles-ci sont réalisées de façon manuelle et occasionnelle.

Bon à savoir : En 2019, en fouillant les données personnelles des contribuables postées sur le net, le fisc est parvenu à récupérer 640 millions d’euros.

Mais alors qu’est-ce qui va changer ?

Ce qui est nouveau avec la loi de finance 2020, c’est que cette tâche peut, cette fois, être réalisée de manière systématique, grâce à un algorithme. En somme, une collecte de masse de vos données publiques par les services fiscaux de l’Etat est mis en place. À noter que ce dispositif est expérimental. Il n’est, en effet, prévu que pour une durée de 3 ans, dans un premier temps.

Qu’en pense le Conseil constitutionnel ? Soumis au Conseil constitutionnel, l’article L154 de la loi de finance 2020 a été jugé comme conforme à la Constitution. Les Sages de la haute cour de justice ont, en effet, considéré que «la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication des données à caractère personnel est, justifiée par l’intérêt général supérieur et que sa mise en oeuvre est réalisée de manière adéquate et proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi».

Réseaux sociaux et contrôles fiscaux : comment le fisc collecte vos données sur Internet ?

Quelles sont les plateformes concernées ?

Sont concernées toutes les plateformes communautaires permettant la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service. Par conséquent, vos publications effectuées sur Instagram, Twitter, Facebook, mais également sur Le Boncoin ou encore Ebay sont susceptibles d’être scrutées et analysées par l’algorithme du fisc.

Quels sont les faits concernés ?

La loi prévoit que les faits découverts devront être suffisamment graves pour être concernées par ce dispositif. Il pourra donc s’agir d’une absence ou d’une insuffisance de déclaration de revenus. Les fraudes à la TVA ou encore de certaines infractions douanières sont également concernées.

Donc, une machine décide de mon contrôle fiscal ?

Pas exactement ! La loi Informatique et Libertés interdit en effet le traitement automatisé des données à caractère personnel. Cela signifie qu’une machine, seule, ne peut décider de déclencher un contrôle fiscal contre un contribuable. En pratique, le fonctionnement est le suivant : un algorithme passe en revue les publications des contribuables français et analyse les données collectées. En cas de publication suspecte, un signal est envoyé à l’administration fiscale. À partir de ce moment-là, un agent, bien vivant celui-ci, est en charge de vérifier et corroborer les informations. Il décidera finalement de déclencher ou non un contrôle fiscal.

Quelles sont les publications qui pourraient alerter le Fisc ? Vous mettez en location votre appartement parisien pendant vos vacances sur AirBnb, mais vous omettez de déclarer les revenus qui en découlent. Des cigarettes achetées dans un pays étranger sont revendues sur Le Boncoin . Vous vivez du RSA, mais vos publications Facebook affichent un train de vie luxueux et visiblement non-conforme à vos revenus.

tlmr-ressources.jpgtlmr-ressources.jpg

Surveillance des réseaux sociaux par le Fisc : y a-t-il des limites et des gardes fous ?

Des limites sont prévues par la loi

Le fisc ne peut cependant pas tout faire et la loi prévoit certains gardes-fous.

  • Vos données privées, non partagées en mode public, ne peuvent pas être collectées. C’est par exemple le cas des messages envoyés en privé entre deux internautes.
  • Aucun logiciel de reconnaissance faciale ne peut être utilisé pour vous identifier.
  • L’administration fiscale ne peut pas créer de faux profil ou utiliser un pseudo pour vous surveiller ou vous inciter à commettre une infraction.
  • Seules les activités suivantes sont concernées : les activités économiques non-déclarées, celles liées à l’économie souterraine et les infractions de domiciliation fiscale.
  • Les données sensibles (opinion politique ou orientation sexuelle par exemple) ne sont pas concernées.
  • Le fisc doit effectuer les formalités de déclaration du traitement auprès de la CNIL.

Mais des zones d’ombres demeurent

Tout n’est cependant pas réglé à ce jour. La CNIL a considéré que le traitement devait être adéquat, pertinent et limité à ce qui est strictement nécessaire. Elle n’a pas donné de limites plus précises sur ces termes. Par ailleurs, il n’existe aucune sanction si l’administration fiscale ne respecte les contours de la loi et les limites imposées par la commission. Seule une action judiciaire du contribuable est envisageable. Elle serait néanmoins isolée, longue, coûteuse et incertaine.

Des incertitudes qui risquent de jouer contre le contribuable. Pour protéger sa vie privée, il est donc plus que jamais indispensable de gérer avec prudence les paramètres de confidentialité de vos réseaux sociaux. En tout état de cause, faire preuve de discernement, voire s’autocensurer lors de ses publications, restent la solution la plus efficace à ce jour pour éviter une mauvaise surprise.

Pour plus d’informations, contactez-nous !

À la une

Toutes les actualités
Comment lutter contre les deepfakes ?

Comment lutter contre les deepfakes ?

Pay or Consent : l’Europe en ordre de bataille

Pay or Consent : l’Europe en ordre de bataille

Publicité comparative : comment éviter le dénigrement ?

Publicité comparative : comment éviter le dénigrement ?

Concurrence déloyale sur le web : top 5 des pratiques les plus fréquentes

Concurrence déloyale sur le web : top 5 des pratiques les plus fréquentes

Toutes les actualités