Peut-on refuser de vendre ?

Date

26 octobre 2022

Par

Henri de la Motte Rouge

Peut-on refuser de vendre ?

Date

26 octobre 2022

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Henri de la Motte Rouge

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Un commerçant peut-il refuser de vendre ses produits et ses services à un consommateur ? Un info-entrepreneur peut-il rejeter la demande d’inscription d’un élève à ses formations en ligne ? Quid des ventes entre professionnels ? Si la liberté contractuelle est souvent élevée en étendard, la loi encadre toutefois strictement le refus de vente. Explications.

Le refus de vente interdit entre professionnels et consommateurs

En principe, vous ne pouvez pas interdire à un consommateur d’acheter votre produit ou de participer à votre formation. Vous pouvez toutefois invoquer des motifs légitimes pour justifier votre refus.

Principe : l’interdiction du refus de vente

L’article L. 121-11 du Code de la consommation est clair et sans appel : « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service (…) » En d’autres termes, les commerçants et autres info-entrepreneurs ne peuvent pas simplement invoquer leur liberté contractuelle pour refuser une vente à un consommateur. Un tel refus de vente est sanctionné par une amende de 1 500 euros maximum pour une personne physique et de 7 500 euros pour une personne morale. Le consommateur peut également réclamer des dommages et intérêts devant les tribunaux judiciaires en cas de préjudice.

Exceptions : les refus de vente légitimes

L’article L. 121-11 du code de la consommation autorise le vendeur à évoquer un motif légitime pour justifier son refus de vente. Commençons tout d’abord par exclure d’office les convenances personnelles du vendeur comme justification valable. La Cour de cassation a réitéré cette position à maintes reprises. Le confort, l’intérêt ou les convictions du vendeur ne doivent jamais entrer en considération lors de la vente. L’infraction a ainsi été retenue à l’encontre du garagiste préférant louer une place de garage à un autre client, susceptible de passer davantage de commandes. De la même façon, le tribunal correctionnel de Mâcon a condamné le commerçant ayant refusé de vendre un article en vitrine « pour ne pas défaire son étalage ».

D’autres motifs ont toutefois été reconnus comme légitimes par la Cour de cassation et les tribunaux.

L’indisponibilité du produit

Celle-ci peut résulter de l’absence de stock. Vous n’êtes pas tenu de vous réapprovisionner instantanément lors d’une commande. Par conséquent, si vous ne disposez pas du produit commandé par le client, vous pouvez évidemment refuser de le lui vendre. Attention, ce motif légitime n’inclut pas la simple difficulté à se procurer le bien commandé. Par ailleurs, l’indisponibilité du produit ne doit pas s’expliquer par un refus d’approvisionnement basé sur des justifications éthiques ou religieuses.

L’indisponibilité peut également être liée au client lui-même. Ce dernier peut ne pas satisfaire les conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier du produit ou du service. Un établissement de cure a ainsi pu refuser légitimement l’admission d’un client n’appartenant pas aux catégories de curistes pour lesquelles le centre était alors agréé (CA Paris, 8e ch., 30 mai 2002, n° 2001/01169).

Bon à savoir : l’exclusion des contrats intuitu personae. L’interdiction du refus de vente ne s’applique qu’aux produits et services standardisés. Pour certains contrats, la personnalité de l’acheteur a son importance. Dans ce cas de figure, cette infraction ne s’applique pas. C’est le cas notamment de la vente des biens immobiliers ou des services d’un avocat.

Une demande anormale

Certains consommateurs formulent des demandes inhabituelles au regard des conditions de vente proposées généralement par le vendeur. Il peut s’agir par exemple de commandes massives ou, au contraire, en très petite quantité. Dans ce cas de figure, vous êtes évidemment autorisé à opposer votre refus de vendre.

Le comportement de l’acheteur

Un de vos élèves tient des propos insultants ? Votre client fait preuve d’une grande impolitesse ? Vous êtes là encore autorisé à refuser de vendre votre bien ou votre service à ce consommateur. Même conclusion en cas de retards de paiement répétés du client. Là encore prudence, votre refus doit reposer sur des éléments tangibles et établis et être conforme à vos engagements contractuels (CGV). Dans le cas contraire, vous êtes en infraction.

Le respect de la loi

C’est évidemment une des raisons valables pour refuser la vente d’un bien ou d’un service à un consommateur. Un bar est ainsi autorisé à refuser la vente d’alcool à un mineur, celle-ci étant interdite par les articles L 3342-1 et L 3342-3 du Code de la santé publique.

Cette règle est d’ailleurs édictée par l’article 122-4, alinéa 1er du code pénal : N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

Les conditions indépendantes du vendeur

Le refus de vente peut résulter de conditions totalement extérieures au commerçant lui-même. Un centre d’escalade peut ainsi refuser d’organiser un cours pour des raisons liées à la météo. Il s’agit ici d’un cas de force majeure prévu par le droit des contrats.

Entre professionnels, le refus de vente est autorisé

Depuis la loi Galland du 1er juillet 1996, les professionnels ne sont pas concernés par l’interdiction du refus de vente. Cette disposition s’applique uniquement dans le cadre de leurs relations contractuelles avec d’autres professionnels.

Par conséquent, un distributeur peut refuser la livraison de marchandises à un commerçant. Les motifs peuvent être nombreux :

  • Dettes nombreuses non réglées au moment de la commande
  • Mise en vente non conforme des produits
  • Biens à destination de certaines catégories seulement.

En réalité, le professionnel n’a pas à justifier son refus de vente à l’égard d’un autre professionnel. Faites toutefois preuve de prudence. Une telle pratique peut en effet engager la responsabilité du vendeur. L’acheteur peut ainsi apporter la preuve d’un préjudice et obtenir une indemnisation sur base du droit commun. Le refus de contracter peut également être considéré comme contraire aux règles de la concurrence (article L. 420-2 du Code de commerce). En vertu de l’article L 442-6 du Code de commerce, le commerçant doit ainsi éviter toute rupture brutale des relations contractuelles. Enfin, le refus de vente ne doit jamais être fondée sur une discrimination.

L’interdiction des refus de vente fondés sur une discrimination

Le délit de discrimination prévu par les articles 225-1 et suivants du Code pénal n’établit aucune distinction entre les protagonistes. Il peut donc être caractérisé entre :

  • Professionnels
  • Consommateurs
  • Professionnels et consommateurs

Selon le Code pénal, la discrimination se définit comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur :

  • Origine ;
  • Sexe ;
  • Situation de famille ;
  • Grossesse ;
  • Apparence physique ;
  • Patronyme ;
  • Lieu de résidence ;
  • État de santé ;
  • Handicap ;
  • Caractéristiques génétiques ;
  • Mœurs ;
  • Orientation ou identité sexuelle ;
  • Âge ;
  • Opinions politiques ;
  • Activités syndicales ;
  • Appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

Le saviez-vous ? La discrimination n’est pas nécessairement directe, volontaire et intentionnelle. Elle peut également résulter de pratiques indirectement défavorables à un groupe ou une personne. En cas d’infraction caractérisée, vous encourez trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Selon l’article 225-2 du code pénal, la discrimination est caractérisée notamment lorsqu’elle consiste à refuser la vente d’un bien ou d’un service. L’entrave à l’exercice normal d’une activité économique et la subordination d’un bien ou d’un service à une condition discriminatoire sont également couvertes par cette disposition.

Il est donc interdit par exemple de refuser l’accès à une formation d’une personne noire ou homosexuelle. Le refus d’un restaurant de servir une personne handicapée est égaqlement considéré comme une discrimination.

Notre conseil : si vous souhaitez proposer des tarifs préférentiels à certaines catégories de clients, vous devez justifier votre pratique et afficher clairement vos conditions tarifaires. Attention, il est interdit d’accorder des réductions en fonction de la nationalité.

Vos processus et modalités de vente doivent être clairement établis. Pour éviter d’engager votre responsabilité pour refus de vente, sollicitez l’accompagnement de nos experts en droit commercial et droit de la consommation.

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