Publicité comparative : comment éviter le dénigrement ?

Date

11 septembre 2024

Par

Henri de la Motte Rouge

Publicité comparative : comment éviter le dénigrement ?

Date

11 septembre 2024

Par

Henri de la Motte Rouge

Partager

Partager

Dans un monde concurrentiel, de plus en plus d’acteurs sont tentés d’apporter des éléments de comparaison, voire de critiquer leurs concurrents. Cette tendance est largement renforcée avec le marketing des réseaux sociaux. En France, la publicité comparative n’est pas interdite. Cette pratique est toutefois strictement encadrée par la loi. Vous n’êtes pas libre de comparer comme vous le souhaitez vos produits et services avec ceux de vos concurrents. Une obligation de loyauté s’impose. Alors comment éviter le dénigrement en cas de publicité comparative ? Réponse avec les avocats de Touati La Motte Rouge.

Quel est le cadre juridique de la publicité comparative ?

Définition de la publicité comparative

La publicité comparative est définie par l’article L122-1 du Code de la consommation. Il s’agit de « toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent (...) ».

Il n’est pas nécessaire que la marque concurrente soit explicitement désignée. Il suffit que le consommateur puisse facilement l’identifier grâce notamment aux produits ou services mis en avant dans le cadre de la publicité (CJCE, 19 avril 2007, aff. 381/05).

Par ailleurs, cette pratique s’inscrit obligatoirement dans le cadre d’une situation de concurrence. (Cass.com., 24 nov. 2009, pourvoi n°08-15002). Ainsi, les sites internet de comparaison en ligne - les “comparateurs” - ne réalisent pas de publicités comparatives, et ne sont donc pas soumis aux articles L.121-8 et suivants du Code de la consommation. Il n’existe, en effet, aucun lien de concurrence entre les marques comparées et le site (CA Paris, 22 janv. 2013, Sté Concurrence c/ Google). Il doit, en revanche, respecter les obligations prévues à l’article L111-7 du Code du commerce. Il doit ainsi délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les règles et conditions de la comparaison. Il doit également préciser les éventuels liens ou rémunérations qui influencent le classement ou le référencement.

Notez, enfin, que vous n’avez pas l'obligation d’informer votre concurrent avant de produire et de diffuser votre publicité comparative.

Bon à savoir : attention, votre publicité comparative ne peut pas être apposée sur n’importe quel support. Elle est ainsi interdite sur les emballages, les factures, les titres de transport, les moyens de paiement ou encore les billets d'accès à des spectacles. Elle peut en revanche être diffusée sur Internet.

Les conditions de la licéité de votre publicité comparative

Pour être licite, votre publicité comparative doit respecter les conditions fixées par l’article L.121-8 du Code de la consommation.

1- Elle ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur le consommateur. Une société de location de voitures avait, par exemple, comparé ses prix avec ceux de l’un de ses concurrents, sans préciser les restrictions applicables à son propre tarif. Les juges ont considéré que cette omission pouvait induire le consommateur en erreur. Ce dernier ne pouvait pas effectuer une comparaison objective des offres (Cass. com. 1-7-2008 n° 07-15.839).

2- Elle doit porter uniquement sur des biens ou des services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. Selon un arrêt du 19 septembre 2006 de la CJCE, les produits et services doivent être comparables et présenter un « degré suffisant d'interchangeabilité pour le consommateur » (aff. C-356/04, Lidl Belgium GmbH & Co KG c/ Établissement en Franz Colruyt NV). Il est, par exemple, possible de comparer Coca et Pepsi ou Audi et BMW. En revanche, impossible de comparer une eau minérale avec un soda.

3- Elle doit être objective. Elle doit donc exclure toute mention de préférence personnelle ou d’une quelconque forme de subjectivité sur les produits comparés (CA Paris 5 février 2015 n°11/09260 ). Vous ne pouvez donc pas émettre un jugement concernant l’esthétique, le goût, la saveur ou encore l’odeur des produits. Par ailleurs, cette objectivité nécessite de comparer des « caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services ». Le distributeur Casino a parfaitement rempli cette condition en comparant la composition de sa pâte à tartiner au célèbre Nutella. La publicité soulignait notamment l’absence d’huile de palme dans le produit Casino.

tlmr-ressources.jpgtlmr-ressources.jpg

Publicité comparative, attention au dénigrement

En vertu de l’article L. 122-2 du Code de la consommation, votre publicité ne doit pas « entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent ». D’autres limites sont posées par le législateur. Votre publicité ne peut pas :

  • Tirer indûment profit de la notoriété de votre concurrent ou de ses produits ;
  • Provoquer la confusion entre votre entreprise (ou produits) et vos concurrents ;
  • Présenter les biens ou les services comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une marque ou d'un nom commercial protégé.

Qu’est-ce que le dénigrement ?

Lorsque vous comparez vos produits avec ceux de vos concurrents, vous pouvez facilement basculer dans le dénigrement. Celui-ci se définit comme la « divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent » ( Cass. com., 24 sept. 2013, n° 12-19.790). Il est donc primordial d’agir avec prudence et de bien connaître la jurisprudence en la matière.

Bon à savoir : le dénigrement n’est pas caractérisé si l’information « en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure ».

Publicité comparative et dénigrement : ce qu’il ne faut pas faire

La publicité comparative est jugée dénigrante lorsqu’elle se contente de mettre « exclusivement en avant une caractéristique négative du produit d'un concurrent, présenté dans des conditions de nature à jeter le discrédit sur celui-ci » (Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-21.266.

Un grand nombre de comportements ont été considérés comme un acte de dénigrement par la jurisprudence :

  • Déclarer qu’il fait usage de « méthodes peu scrupuleuses » à la poursuite de « fins strictement financières », ce qui reflète une « conception de la qualité des services très relative » (CA Paris, 23 mars 2010) ;
  • Dénoncer à la clientèle les agissements d'un concurrent désigné comme contrefacteur, alors qu'aucune décision de justice ne vient en établir la réalité (CA Paris, 23 sept. 2009, n° 07/20590) ;
  • Employer des termes qui ne sont pas modérés (Ex : un article très négatif, Cass. Civ. 2 8 avril 2004) ;
  • Dire que le concurrent « utilise des méthodes non locales » (CA Toulouse, 7 mai 1929) ;
  • Envoyer des lettres à des clients pour les mettre en garde contre le risque de contrefaçon auquel ils s’exposeraient en choisissant les produits concurrents (Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17-18.350) ;
  • Porter le discrédit sur les qualités professionnelles du concurrent et de mettre en cause sa probité (Cass. 1re civ., 5 déc. 2006, n° 05-17.710).

Voici un autre exemple. Vous vous souvenez sans doute de la célèbre publicité Renault dans laquelle le constructeur déclarait « Qui mieux que Renault peut entretenir votre Renault ? ». À l’image apparaissaient alors des réparateurs, habillés dans des tenues similaires à celles portées par les employés d’une autre enseigne. Le Cour d’appel de Versailles a considéré que le constructeur les présentait comme ignorants et incapables de réparer un véhicule Renault. (CA Versailles 16-3-2011 n° 10/00956). Cette publicité comparative a ainsi été jugée comme illicite.

Bon à savoir : dans tous les cas, contrairement à la diffamation, l’exception de vérité n’est pas un moyen de défense efficace en matière de dénigrement. Ainsi, la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu'elle soit exacte (Cass. com., 24 sept. 2013, n° 12-19.790). De la même façon, la commission d’un acte déloyal par un de vos concurrents ne peut justifier la commission par la victime d'un nouvel acte déloyal (CA Paris 5 mars 1987).

Publicité comparative : ce que vous pouvez faire

Tout d’abord, « le seul fait de comparer des prix, qui relèvent de la nature même de la publicité comparative, ne caractérise pas un dénigrement » (Cass. com., 8 nov. 2017, n° 16-15.162). Vous pouvez donc souligner le prix plus élevé des services de l’un de vos concurrents. Attention toutefois, cette indication doit rester objective. Elle ne doit pas non plus être accompagnée de propos malveillants, jetant le discrédit sur votre concurrent (Cass. com., 31 janv. 2018, n° 16-24.063). Les produits comparés doivent, par ailleurs, être très clairement identifiés et répondre aux mêmes besoins (Cass. com. 31-10-2006 n° 05-10.541).

De la même façon, les juges ont considéré qu’il n’y avait pas de dénigrement en cas :

  • De critique du mode de commercialisation de son concurrent afin de défendre son réseau de distribution contre un réseau illicite de revente de ses produits. Celle-ci doit toutefois être mesurée (CA Paris, 15 juin 1981) ;
  • De déclaration visant à présenter son produit comme supérieur à celui d’un concurrent : là encore, les propos ne doivent pas sortir des usages commerciaux qui permettent de vanter la marchandise (CA Paris, 23 oct. 1974) ;
  • D’emploi d’une forme interrogative plus qu’affirmative : cette pratique témoigne d’une critique mesurée qui ne tombe pas dans le dénigrement (« il me reste une question : combien de morts ? » CA Rennes, 25 janv. 2011, à propos du Médiator).

Notez, enfin, qu’il ne peut y avoir dénigrement si l’auteur des propos n'a aucune volonté de s’approprier la clientèle d’autrui (Cass. Com 14 octobre 1963).

Bon à savoir : dénigrement dans une publicité comparative : quelles sanctions ?

La marque victime de dénigrement peut réclamer des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil relatif à la responsabilité civile extracontractuelle. Elle peut également saisir la DGCCRF. Après une injonction, celle-ci peut prononcer une amende administrative d’un montant maximum de 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

La frontière entre publicité comparative et dénigrement est ténue. Pour éviter les litiges et les sanctions, faites appel aux avocats TLMR. Nous analyserons votre publicité comparative afin d’écarter tout risque juridique. Une assurance indispensable pour sécuriser vos campagnes publicitaires !



À la une

Toutes les actualités
Comment lutter contre les deepfakes ?

Comment lutter contre les deepfakes ?

Pay or Consent : l’Europe en ordre de bataille

Pay or Consent : l’Europe en ordre de bataille

Publicité comparative : comment éviter le dénigrement ?

Publicité comparative : comment éviter le dénigrement ?

Concurrence déloyale sur le web : top 5 des pratiques les plus fréquentes

Concurrence déloyale sur le web : top 5 des pratiques les plus fréquentes

Toutes les actualités