Date
14 décembre 2020
Par
Eléa Bataille
E-commerçants : comment mettre en place le paiement en plusieurs fois (en BtoC) ?
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Vous vous interrogez sur la réglementation applicable lorsque vous vendez un produit en plusieurs fois ? De fait, il est prouvé que cette pratique favorise clairement le déclenchement de l’achat chez le consommateur. Ainsi, nombreux sont les vendeurs en ligne qui proposent de payer un produit ou un service de façon échelonnée, avec des offres de type « 3 fois sans frais ». Vigilance, car cette pratique est strictement encadrée par le code de la consommation. Explications.
Facilités de paiement : une législation contraignante
En effet, le crédit à la consommation permet d’emprunter une somme comprise entre 200 € et 75 000 €, et la durée de remboursement est supérieure à 3 mois (voir les articles L312-1 et suivants du Code de la consommation). En pratique, les op érations de crédit sont soumises à des règles si contraignantes en matière de publicité, d’information renforcée et de vérification de la solvabilité, que cela suppose de recourir aux services d’un établissement bancaire.
Ce sont ensuite ces organismes qui supportent le risque de défaut de paiement. La plupart des grandes marketplaces et sites de e-commerce nouent donc des partenariats avec des établissements de crédit pour proposer des paiements échelonnés. Néanmoins, vous pouvez mettre en place des facilités de paiement sans recourir aux services d’un tiers et la mise en place d’un crédit à la consommation. Il convient pour cela de s’inscrire dans un des régimes dérogatoires prévu par le Code de la consommation.
Paiement en plusieurs fois : les dérogations prévues par la loi
Ces dérogations couvrent principalement les cas suivants (non exhaustif) et doivent être prévues dans les CGV. :
- Prix de vente inférieur à 200€ ;
- Autorisation de découvert de moins d’un mois ;
- Vente one shot supérieure à 200 € comportant un délai de remboursement ne dépassant pas trois mois et qui sont assortis de frais d’un montant négligeable ; ou
- Prestation sur la durée, en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive.
Bon à savoir : en cas de paiement échelonné par chèque, il n’est pas possible de demander au client d’antidater les chèques. Cette pratique « est passible d’une amende maximale de 6 % de la somme pour laquelle le chèque est tiré, sans que cette amende puisse être inférieure à 0,75 euros » (article L131-39 du Code monétaire et financier).
Cas 1 : Prix inférieur à 200 € TTC
Lorsque le prix d’un produit ou d’un service est inférieur à 200 € TTC, il est possible de prévoir un paiement en autant de fois que souhaité (article L312-4, 3° du Code de la consommation). Par exemple, en proposant un paiement de 25€ en 8 mois pour un achat de 200 €.
Cas 2 : Autorisation de découvert de moins d’un mois
Par ailleurs, le code de la consommation prévoit que « Les opérations consenties sous la forme d’une autorisation de découvert remboursable dans un délai d’un mois » sont exclues (article L312-4, 4° du Code de la consommation).
Cas 3 : Vente « one shot » supérieure à 200€ TTC
Le code de la consommation prévoit que sont exclues « Les opérations de crédit comportant un délai de remboursement ne dépassant pas trois mois qui ne sont assorties d’aucun intérêt ni d’aucuns frais ou seulement d’intérêts et de frais d’un montant négligeable » (article L312-4, 5° du Code de la consommation).
Critère 1 : Le délai de 3 mois
Lorsqu’il s’agit de produit, ce délai commence à courir à compter de la livraison du bien (Civ. 1ère, 4 mars 2003 ; Metz, 25 mars 2004). Par exemple, le paiement peut être proposé en 4 fois (à la commande, puis trois paiements avec un intervalle d’un mois) ou encore en 7 fois (à la commande, puis six paiements avec un intervalle de 15 jours). Lorsqu’il s’agit d’une prestation à exécution successive, ce délai commence à courir après la délivrance du dernier livrable. Par exemple, dans le cadre d’une formation en ligne qui dure six mois, le dernier paiement peut être prévu jusqu’à neuf mois après la commande.
Critère 2 : Des frais « négligeables »
Cette notion n’est pas définie par la réglementation, mais signifie que la différence de prix par rapport à un paiement en une fois doit être moindre. Souvent, les commerçants répercutent le montant des frais imposés par leur prestataire de service de paiement (Paypal, Stripe, etc.) sur le prix total à régler par le consommateur. Toutefois, il est usuel de se placer en dessous de 1,5 % de différence avec le prix « en une fois », dans la limite de 20 euros d’écart. Cela permet notamment de rester en-dessous des taux effectifs moyens publiés trimestriellement par la banque de France (voir dans la catégorie « taux de trésorerie » sur le site de la Banque de France ici).
En effet, si les frais ne sont pas « négligeables », alors il pourrait être plus intéressant pour un consommateur de contracter un prêt à la consommation plutôt qu’adhérer aux facilités de paiement proposées par le vendeur. Ainsi, il est interdit de vendre un produit ou un service vendu à 1000€ en one shot en 5 échéances de 300€.
Cas 4 : Prestations sur la durée
Les « contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture » permettent également de prévoir des paiements échelonnés (Article L311-1, 6° du code de la consommation). Cette définition recouvre plusieurs cas :
- Les abonnements : Avec un paiement échelonné pendant la durée de l’abonnement (chaque mois, trimestre, année…) ;
- Les autres prestations fournies pendant une durée définie : par exemple, dans le cas d’une fourniture de contenu numérique, d’une formation en ligne ou d’un logiciel pendant un an.
Les exceptions étant toujours d’interprétation stricte, cette disposition ne semble pas permettre de proposer un même service fourni pendant la même durée à des prix différents selon le nombre de paiement en dehors des conditions prévues dans le précédent cas (critère des frais négligeables). En revanche, offrir un mois d’abonnement pour un engagement sur une année reste une pratique commerciale qui est licite.
Quelles sont les sanctions encourues ?
Au-delà des difficultés pouvant être rencontrées pour recouvrir la totalité du prix en cas d’incident de paiement, le non-respect des règles applicables en matière de crédit à la consommation peut conduire à des amendes sur le plan pénal et à la déchéance du droit aux intérêts sur le plan civil. En cas de qualification de l’opération en prêt usuraire les sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende, outre des peines complémentaires pouvant mener à une fermeture de l’entreprise pendant 5 ans (Article L341-50 du code de la consommation).
Le prêt sera usurier lorsque le montant des frais est supérieur au taux d’usure applicable. Par exemple, un produit fourni à 1000 euros avec paiement en une fois et proposé à 1250 euros pour un paiement en 4 fois présenterait un différentiel de 25% alors que le seuil de l’usure applicable à compter du 1er juillet 2019 était de 21,08% pour un prêt inférieur à 3000 euros. Une telle facilité de paiement pourrait donc être considérée comme usurière. Enfin, les consommateurs soumis à de telles pratiques ont également un angle d’attaque possible s’ils sont soumis à ce type de vente.
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