Cadre juridique des influenceurs : tout savoir

Date

9 juin 2023

Par

Henri de la Motte Rouge

Cadre juridique des influenceurs : tout savoir

Date

9 juin 2023

Par

Henri de la Motte Rouge

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En juillet 2021, la célèbre influenceuse Nabilla a été condamnée à verser 20 000 euros d’amende pour pratiques commerciales trompeuses. Sa faute ? Avoir assuré la promotion d’un site Internet spécialisé dans la vente et l’achat de Bitcoin, sans informer les internautes qu’il s’agissait d’une publicité rémunérée. Pour booster leurs ventes, les marques n’hésitent plus à faire appel à des influenceurs, suivis pour certains par des millions de followers. Facebook, Instagram ou TikTok sont ainsi devenus en quelques années des armes commerciales puissantes, souvent déterminantes dans la stratégie marketing des entreprises. Plus d’un milliard de personnes s’échangent en effet chaque jour des stories sur les seuls réseaux sociaux. Mais comment le droit français traite-t-il ces nouveaux papes du sponsoring ? Quel est le cadre juridique des influenceurs ? Réponses avec le cabinet d’avocats Touati La Motte Rouge.

Qu’est-ce qu’un influenceur ?

La définition de l’influenceur en droit français

Le terme « influenceur » est issu du vocabulaire du marketing. Personne physique, il s’agit le plus souvent d’un adulte. Le phénomène concerne cependant aussi les enfants et les adolescents.

En 2017, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) donne une définition précise de l’influenceur. Il s’agirait d’un « individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres, à une audience identifiée ».

Par la suite, dans un arrêt du 10 février 2021, la Cour d’appel de Paris définit à son tour l’influenceur : « une personne active sur les réseaux sociaux, qui par son statut, sa position ou son exposition médiatique est capable d’être un relais d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing ».

Il a, toutefois, fallu attendre la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux pour obtenir une définition précise de cette profession.

Toutes personnes qui, contre rémunération ou avantages en nature, « mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer» en ligne « des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque ».

Le législateur a, par ailleurs, profité de cette législation pour définir également la notion d’agent d’influenceurs. Il s’agit de toute personne dont l’activité « consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque ».

Bon à savoir : les agents doivent s’assurer que leurs influenceurs sont en conformité avec la loi du 9 juin 2023. Celle-ci prévoit, par ailleurs, une solidarité entre l’annonceur et l’influenceur en cas de dommages causés par les activités d’influence.

Les critères pour définir l’influenceur

Pour identifier un influenceur, plusieurs critères sont donc à retenir :

  • L’utilisation d’une communauté (followers) sur un réseau social ;
  • La mise en place d’une pratique d’influence ;
  • La promotion d’un produit, d’un service ou d’une cause ;
  • Une contrepartie financière ou un avantage en nature.

En pratique, il existe plusieurs types d’influenceurs :

  • Les nano-influenceurs avec moins de 10 000 followers : il s’agit le plus souvent de passionnés ;
  • Les micro-influenceurs avec moins de 100 000 abonnés ;
  • Les macro-influenceurs dont la communauté peut atteindre 500 000 membres, voire plus ;
  • Les influenceurs stars avec plus de 1,5 million de followers : en France, ils sont une dizaine à atteindre ce statut.

Bon à savoir : l’importance des réseaux sociaux pour les entreprises. En 2017, 69 % des Français consultaient déjà les réseaux au moins une fois par jour. Un chiffre bien plus élevé chez les jeunes entre 15 et 24 ans (84 %). Selon une autre enquête Ipsos de septembre 2021, 57 % des personnes interrogées déclaraient se connecter au moins une fois par jour à Facebook. Les femmes seraient plus tournées vers Pinterest (65%), Facebook (55%) ou Instagram (54%). Les hommes se retrouveraient plus facilement sur Twitch (73%), Tumblr (70%) et Reddit (69%).

Quel est le statut juridique des influenceurs ?

Signalons, tout d’abord, que les partenariats entre les marques et les influenceurs sont protéiformes. Si certains (ils sont de moins en moins nombreux) proposent leurs services gratuitement, d’autres tournent des vidéos sponsorisées avec des obligations très strictes en matière visuelle. Ils signent alors de véritables contrats de mannequin au sens du Code du travail.

L’influenceur réalise une prestation de services visant à promouvoir un produit contre rémunération. Dans certains cas de figure, cette activité est présumée relever du droit du travail. C’est le cas lorsque :

  • La marque définit au préalable le rôle joué par l’influenceur : il s’agit donc d’un contrat de comédien ou d’artiste interprète qui contribue à l’image de marque de l’entreprise, même si l’aspect promotionnel des produits apparaît au second plan ;
  • L’exploitation de l’image de l’influenceur est au cœur de la promotion du produit : il s’agit alors d’un contrat de mannequin défini par les articles L 7123-2 et L 7123-3 du Code du travail. Cette qualification de contrat de travail est par ailleurs valable peu importe la notoriété ou l’âge de l’influenceur. Cette activité peut être exercée à titre occasionnel ou se présenter comme l’accessoire à une autre profession (circulaire du 20 décembre 2007).

À défaut, l’influenceur dispose d’un contrat de prestation de services indépendant. Il peut, par exemple, exercer dans le cadre d’un statut d’entrepreneur individuel ou de société de perception de droits.

Dans tous les cas, la question de la qualification juridique de l’influenceur dépendra des dispositions prévues dans le contrat signé avec la marque.

Bon à savoir : Les influenceurs exerçant comme entrepreneurs individuels en dehors de l’Union européenne, mais dont l’activité vise le public français, sont soumis à deux obligations :

  • Désigner un représentant légal sur le territoire de l’Union européenne ;
  • Souscrire une responsabilité civile professionnelle.

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Cadre juridique des influenceurs : quels sont les termes de leurs contrats ?

La loi du 9 juin 2023 donne enfin un cadre juridique au métier d’influenceur. Elle fournit notamment des précisions sur les contrats conclus entre les influenceurs et les agents ou annonceurs. Elle prévoit notamment, sous peine de nullité, l’obligation d’un écrit dès lors que la rémunération ou la valeur totale cumulée de l’avantage en nature est supérieure à un certain montant. Un décret en Conseil d’État devrait prochainement fournir des précisions sur ce point.

Contrat d’influenceur : quelles mentions prévoir ?

La loi du 9 juin 2023 précise les mentions obligatoires à insérer dans le contrat d’influenceur : 

  • L’identité des parties et leur pays de résidence fiscale ;
  • La nature des missions ;
  • Le montant de la rémunération en numéraire ou la valeur de l’avantage en nature : dans ce dernier cas, le contrat doit préciser les conditions et les modalités d’attribution ;
  • Les droits et les obligations de chacune des parties : une clause de propriété intellectuelle doit préciser si le contenu ou une partie de celui-ci sera réutilisable par la suite et dans quelles conditions. Il sera, par exemple, nécessaire de prévoir une clause de cession des droits d’auteur de l’influenceur au profit de la marque ;
  • L’application du droit français : Code de la consommation, Code de la propriété intellectuelle, loi du 9 juin 2023.

Toutefois, pour limiter le risque de litige, il est nécessaire d’aller plus loin en ajoutant et en précisant les points suivants :

  • Les impératifs éditoriaux : pensez à prévoir les dates et les heures de publications sur les réseaux ou encore le temps de présence en ligne ;
  • La clause d’exclusivité : cette dernière permet d’éviter la promotion par l’influenceur de produits concurrents. Attention, elle ne peut jamais être perpétuelle. Il est donc nécessaire de prévoir une durée précise.

Deux modèles de contrat d’influenceur

Nous avons conçu deux modèles de contrat d’influenceur pour vous protéger en fonction de votre situation :

  • Un modèle de contrat pour recruter des influenceurs ou affiliés sans risque, avec une communication parfaitement licite et maîtrisée ;
  • Un modèle de contrat si vous êtes influenceur ou affilié pour fixer vos conditions, garantir votre rémunération et vous prémunir de placements de produits frauduleux.

Retrouvez ces modèles ici.

Cadre juridique des influenceurs : quelles règles pour leur contenu publicitaire ?

La loi du 9 juin 2023 encadre les pratiques des influenceurs et limite les dérives. En cas de non-respect de ses dispositions, les sanctions sont lourdes : 300 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement. Une interdiction d’exercer la profession d’influenceur peut également être prononcée.

L’obligation de transparence en matière de contenu promotionnel

Cadre juridique des influenceurs : l’information du public

Jusqu’à tout récemment, les influenceurs étaient soumis aux dispositions générales sur le contenu publicitaire prévues par la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) et le Code de la consommation.

La loi du 9 juin 2023 a donné un cadre spécifique à leurs pratiques. Elle impose aux influenceurs l’obligation d’indiquer de façon claire, identifiable et lisible pendant toute la durée de la promotion :

  • La mention « Publicité » ou « Collaboration commerciale » si le message est sponsorisé ;
  • La mention « Image retouchée » ou « Image virtuelle » pour toute image modifiée ou générée par une intelligence artificielle ;
  • La mention « Interdit aux moins de 18 ans » si le contenu est interdit aux mineurs.

Bon à savoir : les hashtags #ad et #sp ne sont pas considérés comme une information suffisante du caractère promotionnel d’un contenu. À noter que ce point n’est souvent pas respecté par les influenceurs avec l’accord plus ou moins implicite des marques. Il donne donc des moyens de recours pour les consommateurs. Ils constituent également des bons arguments juridiques de contestation en cas de litiges entre influenceurs et marques.

Bon à savoir : l’ARPP recommande la transparence pour tous les contenus à caractère commercial diffusés sur les réseaux sociaux. Elle a, par ailleurs, édicté un certificat de l’Influenceur Responsable compte tenu de la volonté du marché de s’auto-réguler suite aux affaires BERDAH / BOOBA.

La communication sous conditions pour certains produits et services

Pour certains produits et services, la loi du 9 juin 2023 prévoit des conditions d’influence renforcées.

C’est le cas, par exemple, des communications commerciales relatives aux jeux d’argent. Ces dernières sont autorisées uniquement sur les plateformes en ligne permettant d’exclure les utilisateurs de moins de 18 ans.

Des contraintes supplémentaires sont également prévues pour les boissons alcoolisées, les boissons contenant du sucre, du sel ou des édulcorants ajoutés, les médicaments ou les dispositifs médicaux.

Bon à savoir : le respect de la loi Evin par les influenceurs. Lors de la promotion d’une boisson alcoolisée, ils doivent obligatoirement indiquer dans leur contenu la phrase suivante : « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération ».

La transparence en matière de dropshipping

La loi du 9 juin 2023 établit clairement la responsabilité de l’influenceur pour l’ensemble des produits vendus par l’intermédiaire d’un fournisseur, même si ce dernier prend en charge la livraison.

L’identité du fournisseur, comme toutes les informations prévues à l’article L221-5 du Code de la consommation doivent d’ailleurs être communiquées au consommateur avant la commande. Enfin, l’influenceur doit s’assurer de la conformité des produits vendus en dropshipping avec la réglementation européenne.

L’interdiction de pratiques commerciales trompeuses

La loi de juin 2023 interdit aux influenceurs de promouvoir un certain nombre de produits et de services. Il s’agit notamment :

  • Des produits financiers, sauf à disposer d’un agrément AMF ;
  • De certaines pratiques et de certains produits liés à la santé : produits de vapotage ou contenant de la nicotine et du tabac, méthodes ou interventions esthétiques et médicales, etc.
  • Des animaux non domestiques (sauf autorisation) ;
  • De conseils sportifs ;
  • Des pronostics sportifs.

Comme l’évoquait déjà Henri de La Motte Rouge dans un article publié dans le journal Le Point du 31 janvier 2023, la nouvelle loi impose aux plateformes l’obligation d’installer un dispositif de signalement des pratiques interdites, agressives et trompeuses. Le Name & Shame, consistant à nommer publiquement les contrevenants, a d’ailleurs déjà été utilisé à l’encontre de plusieurs influenceurs.

Le respect du droit d’auteur par les influenceurs

Le Code de la propriété intellectuelle protège notamment : « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination » (article L112-1).

L’influenceur ne peut donc pas utiliser sans autorisation les œuvres d’un tiers dans le cadre de son activité promotionnelle sur le Web. À défaut, il encourt en effet des poursuites pour acte de contrefaçon.

Cadre juridique des influenceurs : les règles en matière de concurrence déloyale

L’influenceur doit impérativement s’abstenir de dénigrer un concurrent. Il ne doit pas non plus utiliser la réputation d’un autre influenceur pour promouvoir des produits et services. En effet, une telle pratique peut tomber sous le coup de l’article 1240 du Code civil. Considérée comme un acte de concurrence déloyale, elle engage la responsabilité de l’influenceur. Elle peut également engager la responsabilité de la marque qui a eu recours à ses services. L’influenceur peut être condamné à verser des dommages et intérêts à son concurrent.

L’influenceur doit ainsi s’abstenir de :

  • Porter atteinte à l’honneur ou à la réputation d’un tiers, ce qui pourrait constituer une diffamation ;
  • Prononcer des injures ;
  • Dénigrer ou faire un usage abusif de la marque de tiers.

D’autres lois en discussion devant les parlementaires pourraient renforcer le cadre juridique des influenceurs. C’est le cas notamment du texte souhaitant garantir le droit à l’image des enfants.

Pour conclure sur le cadre juridique des influenceurs

Même si les réseaux sociaux semblent parfois conférer une certaine immunité, les influenceurs ne sont pas au-dessus des lois. Dans le cadre de leurs activités, ils se doivent de respecter l’ensemble des dispositions légales applicables (Code civil et Code pénal notamment). À ce jour, un trop grand nombre d’acteurs négligent cet aspect. Ils prennent alors le risque de poursuites et de sanctions majeures, y compris sur le plan contractuel. Cela peut remettre en cause l’existence même de leur activité. C’est pourquoi, plus que jamais, il est indispensable d’être vigilant quant à vos relations avec les influenceurs et leurs pratiques. Si vous êtes vous-même influenceur, il est important de professionnaliser votre activité. Pour cela, un avocat expert de la promotion sur les réseaux sociaux doit vous accompagner.

Besoin de conseils ? Contactez sans tarder le cabinet Touati La Motte Rouge. Nos avocats vous accompagnent et vous assistent dans la rédaction et la relecture minutieuse de vos contrats, tout comme dans le cadre de vos litiges influenceurs.

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